Identité homosexuelle et vécu émotionnel

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Par Sandra Gamboa Rivas , Psychologue spécialiste en psychothérapie FSP - Psychothérapeute ACP

Pourquoi mettre l’accent sur le vécu émotionnel dans le cas de l’homosexualité? Une des réponses, et peut-être la plus évidente, est que l’homosexualité, malgré l’ouverture des dernières années, n’est pas un phénomène qui est accepté d’emblée. 

De ce fait, parmi d’autres, l’état psychologique du jeune homosexuel ou de la jeune homosexuelle est souvent sous-tendu par une tension très forte, accompagnée, selon les cas, par des sentiments de d’insécurité, de méfiance, de mal de vivre, voire de maltraitance. Cela peut aboutir à des crises personnelles graves, voire à des situations dramatiques de rejet de sa propre vie. Pour écarter tout malentendu d’emblée, l’homosexualité n’est pas un trouble psychologique-clinique! 

Par contre, l’homosexualité et des sentiments d’identité homosexuelle peuvent induire un état psychologique troublé pour ceux et celles qui les vivent. Ces états troublés renvoient « simplement à la présence d’un ensemble de symptômes et de comportements cliniquement identifiables, associés, dans la plupart des cas, à un sentiment de détresse et à une perturbation du fonctionnement personnel » (CIM-10). 

Il est évident que dans ce vécu-là, il faut avant tout tenir compte des sentiments tenaces et percutants qui habitent la personne aux prises avec son identité (homo) sexuelle, parmi lesquels: la honte et le rejet, la peur, et dans un processus d’acceptation de son identité (homo) sexuelle achevé, quelques fois, la colère. 

La honte est un des sentiments des plus récurrents chez la personne homosexuelle, car elle est consciente de son appartenance à un groupe stigmatisé ou « stigmatisable » tout en se montrant autrement, car comme l'affirme Eribon (2003) en citant Goffman, « -qu’ils soient « discrédités » ou « discréditables », c’est-à-dire porteurs d’un stigmate immédiatement visible ou non : ils peuvent parfaitement partager le point de vue, les valeurs et les comportements des gens « normaux », il souligne cette particularité lorsqu’il s’agit de stigmatiser un autre que soi mais en réalité il s’agit de quelque chose qui est présente dès la prime enfance puisque socialisés dans un modèle hétérosexuel, et qui persisterait dans beaucoup de cas même après le coming-out. 

Elle constitue ce « sentiment permanent et cruel qui accompagne la découverte ou la tentative d’acceptation de soi et la conscience croissante de faire partie d’une classe d’individus "inappropriés" dont la société ne veut pas (Dictionnaire de l’homophobie).

La peur, sous-tendue par une certaine méfiance, peut être une constante chez la personne homosexuelle non déclarée. C’est ainsi qu’il faut développer toute une gamme d’attitudes qui permettent de mieux gérer le stress émotionnel qui en découle. Ces attitudes oscillent souvent entre isolement (le placard) et « camouflage » (ultra normativité, conformisme, attitudes réactionnaires, etc.) 

En effet, les pressions et contradictions auxquelles la personne homosexuelle est amenée à vivre la pousse à développer tout un attirail de stratégies de survie psychologique dont l’isolement. L’isolement peut revêtir plusieurs facettes entre lesquelles l’isolement comme protection. Ensuite l’isolement en tant que participatif au processus de recherche de soi. Celui-ci peut correspondre à une envie de se retrouver avec soi-même, ses questionnements et contradictions. 

Ainsi peut être lu le témoignage d'un jeune: « J’ai besoin de me protéger, j’ai envie de récupérer, j’ai envie de pouvoir me retrouver avec moi-même ». Il est important de souligner que dans certains cas heureusement rares cet état de stress émotionnel peut être ressenti comme extrême et avoir des conséquences dramatiques (l’issue la plus dramatique est le suicide). Lorsque le processus d’acceptation de son identité sexuelle est enclenché, il peut émerger un autre sentiment tout aussi acerbe qui est la colère. 

La revendication est peut-être une étape ultime après une pleine conscience de ce que l’on est et la forte envie de vouloir s’y inscrire pleinement. C’est aussi une envie d’assumer son identité et de la défendre le cas échéant. 

En effet, une nouvelle attitude naît du sentiment d’être une personne à part entière, donc qui mérite le respect et la considération. Le jeune adolescent déjà cité affirme, après un assez long travail sur lui-même : « Je n’ai plus l’intention de me laisser piétiner.» Il affirme encore: «  Les préjugés me bloquent par rapport à mon homosexualité, il n’y a pas de soutien social, ils partagent la même stupidité ». Il ressort de ces affirmations le fait qu’une reconnaissance minime et une meilleure acceptation de par le groupe social sont aidants. 

En guise de conclusion : Pour la personne homosexuelle, dans une quête de recherche de soi il s’agit de prendre conscience pleinement de qui elle est, surtout par rapport à ses ressentis, tout en sachant que l’on peut être porteur de plusieurs facettes sans que cela dénature l’homme ou la femme que l’on est (fille aimant les filles, garçons aimons les garçons, etc.).Or, dans le cas des personnes homosexuelles cela ne va pas de soi d’accepter d’être celui qui ne correspond pas aux attentes et valeurs en cours dans un contexte social « normal ». 

Il s’agit d’une quête à travers laquelle le désarroi, la solitude, le sentiment d’isolement, d’incompréhension, de jugement, etc. sont toujours ou presque présents pour aboutir finalement à une sorte d’auto-reconnaissance avec en prime une sorte de relâchement de la tension avec laquelle la personne homosexuelle a souvent eu à composer. 

En effet, les principes clés de l’approche centrée sur la personne me semblent être propices à un type d’accompagnement qui donne le plus de garantie possible à ce que le processus d’exploration de son identité sexuelle puisse avoir lieu sans entraves de type culturel ou autre. Ces principes étant :

 ●   L’acceptation inconditionnelle, avec comme corollaire le non-jugement 

●   L’empathie, pénétrer le cadre de référence d’autrui, le respecter y se mouvoir le plus à l’aise possible 

●   La congruence : Etre conscient de ce qui se passe à l’intérieur de soi, pouvoir le communiquer etc. En effet, de par son attitude congruente le thérapeute est à même de transmettre ce sentiment à son client et l’invite par cet exemple à se donner le droit de travailler sa propre incongruence par rapport à des sentiments qui provoquent tensions et insécurité par rapport à sa propre homosexualité.

Ces trois attitudes de base me semblent aller dans le sens contraire de ce que la personne homosexuelle expérimente le plus souvent: le jugement, la non-compréhension et le rejet latent ou ouvert.